Douze ans après l'arrêt des célèbres Cahiers de la Bande Dessinée, les revoilà qui reviennent sous la direction de Henri Filippini. C'est Régis Loisel qui a les honneurs de cette nouvelle formule.
Après le retour de Pilote l'été dernier ( dont on sait toujours pas s'il sera suivi d'une publication régulière ) et celui de Pif Gadget en juin 2004, c'est au tour des Cahiers de la Bande Dessinée de revenir à la vie.
Lancé en 1970 par Jacques Glénat, les cahiers s'étaient forgés une solide réputation grâce à la qualité et l'exhaustivité de leur dossiers. Mais la crise qui frappa l'industrie du neuvième art au début des années 90 ne les épargna pas et ils disparurent en 1992. On les pensait voués à l'oubli mais c'était compter sans la relance du marché et la volonté d'Henri Filippini qui faisait parti des collaborateurs de l'époque. (© Loisel - Vents d\'Ouest)
Le numéro 60 des Cahiers était consacré en partie à F'Murrr : des extraits ...
Comment construisez vous un épisode des Alpages ?
Je peux commencer par le début ou la fin, partir d'un dessin ou d'une idée de dialogue... Quand j'attaque mes deux planches, je ne sais jamais exactement ce qui va s'y passer. Parfois, le gag naît de la volonté d'introduire un nouvel élément dans cet univers déjà constitué.
Votre technique narrative s'apparente donc à du collage ?
Oui, mais dans la bande dessinée, c'est toujours du collage ! On met des images les unes derrière les autres, et même si elles n'avaient aucun rapport entre elles, elles finiraient nécessairement par produire un discours cohérent. Ce discours serait plus difficile à appréhender qu'un discours linéaire, mais il serait aussi plus intéressant. J'ajoute que je préfère les gags issus du dessin. Quand je pars d'un dialogue, je m'ennuie horriblement à devoir ensuite l'illustrer.
Comment caractériseriez-vous votre humour ?
Dans l'humour, je déteste la dérision. Lorsque le dessine les Alpages, je le fais sérieusement. Il n'est pas question que j'aille me moquer de quoi que ce soit. On peut être désinvolte, jamais dérisoire.
Votre style de dessin est tout sauf académique !
C'est vrai que je suis avant tout un autodidacte. J'ai bien sûr subit des influences. Lorsque j'ai commencé à dessiner, je m’intéressais surtout à Chaval. Je trouve également le travail de Hergé extrêmement enrichissant, car il utilise un dessin très clair, qui va à l'essentiel.
La personnalité s'exprime avant tout dans la possibilité qu'on a de s'adapter à son propre univers. La principale difficulté du débutant réside dans les surcharges. Il en fera toujours trop. Lorsqu'on commence, on a l'impression que l'on ne sera jamais pris au sérieux si l'on ne donne pas toujours plus que le nécessaire.
Quelles sont les bandes dessinées qui vous ont marqué ?
Quand j'ai commencé à dessiner, je regardais beaucoup Franquin. J'aurais voulu dessiner comme lui, ce qui était complètement utopique. Plus tard, à force de voir dessiner Tardi, que j'admire beaucoup, je suis revenu à Hergé. Je me suis rendu compte que je devais viser de ce côté là et pas du côté de Franquin. Le trait rondouillard de Pim Pam Poum (où les animaux ont toujours l'air de baudruches) m'a certainement influencé aussi.
Vous vous dites influencé par de nombreux dessinateurs alors que votre trait est tout, sauf classique.
Le dessin est une écriture. Chacun la sienne. Certaines écritures se ressemblent, mais après il y a la façon dont on l'exploite. Chacun se construit son style. Pour ma part, je n'ai jamais véritablement réfléchi à la façon de le faire (...). Mon graphisme continue d'évoluer. Il y a eu une époque ou je fignolais trop mes dessins parce que je voulais obtenir un dessin propre "à la belge". J'ai renoncé à tout cela, et c'est heureux car je n'y serais jamais arrivé.
Est-ce par boutade que vous avez dit un jour que votre graphisme déroulait de votre myopie ?
Non, pas du tout. Je suis myope et je me suis refusé à porter des lunettes pendant très longtemps. Je percevais des masses assez floues plutôt que des formes précises.
Est-ce que vous achevez les deux planches au crayon avant de commencer l'encrage ?
Non, je travaille par strip et j'encre au fur et à mesure. Mais je reviens fréquemment en arrière pour rajouter des détails. En fait, je me passerais volontiers du crayonné. Le dessin au crayon me gêne, il brouille ma perception. Quand je gomme une planche, j'ai toujours de mauvaises surprises et je suis tenté de tout refaire
Sources : Les Cahiers de la bande dessinée n° 60, Patrick Gaumer, Les années Pilote, Dargaud 1966, Jean-Pierre Mercier : Une géniale douzaine, Neuvième Art n° 4 - 1999
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