Pastoralisme pyrénéen et ours

Dossier de Concertation - Les Pyrénées avec l'Ours
La concertation préalable à l'élaboration du plan de restauration (3)

Présentation du pastoralisme

Intérêt du maintien de cette activité
Le pastoralisme est une activité traditionnelle qui s'inscrit dans un contexte économique d'actualité. Il a une fonction sociale et économique en maintenant une activité et des emplois dans des régions difficiles et en contribuant à des productions de qualité, comme les fromages ou la viande, dont certaines sont sous signe officiel de qualité (AOC, label rouge ...).

Les pratiques pastorales jouent également un rôle environnemental fondamental en assurant l'entretien de paysages ouverts et d'écosystèmes biologiquement diversifiés. Les diagnostics écologiques dressés sur les sites de montagne font clairement apparaître que le maintien des pratiques pastorales représente un intérêt majeur pour la préservation de la biodiversité (maintien de la diversité des milieux montagnards notamment en limitant la conquête des ligneux). Ces pratiques ont un impact positif sur l'occupation et l'aménagement des territoires. Elles contribuent également activement à la défense des forêts contre les incendies.

La vie des Pyrénées est donc fortement marquée par l'activité pastorale. La restauration de la population d'ours des Pyrénées doit donc se faire en prenant en compte cette activité et en lui donnant les moyens de pouvoir cohabiter avec cette espèce.

Situation économique

Sur le massif pyrénéen, trois zones d'économie pastorale se dégagent:

  • l'ouest du massif, caractérisé par une production de lait et de fromage de brebis à forte valeur ajoutée et de nombreuses exploitations;
  • la zone centrale des Pyrénées (Hautes-¬Pyrénées, Haute-Garonne, Ariège) où la production viande (ovine, bovine) domine. Les exploitations pastorales compensent leur surface agricole réduite par une utilisation de pacages collectifs;
  • l'est de la chaîne avec des exploitations pastorales peu nombreuses et de grandes surfaces à orientation viande ovine et bovine.

Même si elle est contrastée sur le massif pyrénéen, la situation économique du pastoralisme est relativement difficile, en raison notamment d'une conjoncture défavorable du prix de la viande ovine. Après des décennies de crise et de déprise agricole, l'évolution défavorable semble se ralentir. Entre 1988 et 2000,Ie nombre d'exploitations pastorales du massif a diminué d'environ 20% (avec une diminution plus marquée dans les Pyrénées centrales que dans les Pyrénées occidentales et orientales), avec cependant un nombre d'ovins et de bovins stable ou en augmentation selon les départements.

Conscients de la situation et de l'intérêt de cette activité, les pouvoirs publics ont élaboré avec la profession agricole un programme pastoral pyrénéen, qui a donné naissance au volet pastoral de la Convention Interrégionale de Massif. Il met l'accent sur l'animation pastorale et l'équipement des estives (cabanes, parcs de tri, etc.). Il est complété par les dispositions des volets montagne ou pastoralisme des contrats de plan Etat-Région. A cela s'ajoutent des aides européennes ainsi que des aides des collectivités territoriales. Les mesures d'accompagnement du programme ours, développé par le ministère de l'écologie et du développement durable depuis 1984, viennent également conforter l'exercice de cette activité.

Au total, on estime les crédits publics destinés au soutien et au développement de l'activité pastorale à environ 10 millions d'euros par an sur l'ensemble du massif des Pyrénées. Le ministère de l'écologie et du développement durable y contribue à hauteur de 800 000 euros.

Accompagnement actuel du pastoralisme en présence des ours

Sur le massif pyrénéen versant français, le cheptel ovin compte 573 000 têtes. Les pertes annuelles habituelles que connaissent les éleveurs sont estimées entre 10 000 à 20 000 bêtes. Les dommages liés aux ours représentent aujourd'hui (avant renforcement) en moyenne 200 bêtes par an.

Cependant les ours, par les attaques qu'ils occasionnent, constituent une contrainte réelle pour les éleveurs qui y sont confrontés. L'élevage en plein air est vulnérable aux attaques de prédateurs, ceci d'autant plus que l'évolution s'est largement faite vers un élevage sans gardiennage permanent des troupeaux.

L'ours n'est pas la seule cause de dégâts aux troupeaux mais sa présence est souvent vécue comme un risque additionnel préjudiciable.

L'Etat apporte un soutien financier aux éleveurs dans cette situation. Les dommages d'ours sont compensés et des mesures destinées à limiter les dégâts sur les troupeaux sont proposées. L'accent est mis sur la garde permanente des troupeaux par un berger, l'utilisation de chiens patous et de parcs électrifiés pour protéger les animaux. Ces mesures permettent de réduire les attaques causées par les ours et autres prédateurs (chiens errants, renards...).

Mesures sur l'ensemble du massif, hors zone de l'institution patrimoniale du Haut-Béarn
Le ministère de l'écologie et du développement durable concentre ses efforts financiers pour une meilleure cohabitation entre pastoralisme et ours. Outre la compensation des dommages, des mesures destinées à limiter la prédation sur les troupeaux sont développées de :

•  un soutien financier destiné à renforcer le gardiennage permanent (préalable essentiel pour mettre en place une protection du troupeau):

1) aides à l'emploi de bergers (en complément des autres dispositifs agricoles existants : contrat territorial d'exploitation, contrat d'agriculture durable, prime à l'herbe agri-environnement);

2) financements pour la réalisation ou l'amélioration de cabanes pastorales;

3) financements de portages du matériel de première nécessité des bergers (sel pour les brebis, bois de chauffage...). Cette aide représente, outre le gain de temps et d'effort, une amélioration non négligeable des conditions de vie et de gardiennage en estive. Cette mesure permet également d'assurer une desserte facilitée sans construction de pistes pastorales nouvelles;

4) financement de moyens de communication (téléphones portables, radio-téléphones), pour permettre aux bergers de disposer d'une liaison utilisable en cas d'accident, d'attaque d'ours sur leurs troupeaux et également pour qu'ils puissent être informés de la présence d'un ours à proximité de leur estive le cas échéant.

•  La mise en place de systèmes de protection tels que les chiens patous et les parcs électrifiés mobiles (aide financière à l'acquisition et à l'utilisation). Deux animateurs « chien patou », de l'association cohabitation pastorale, apportent leur soutien technique aux éleveurs désireux d'utiliser ces chiens pour leurs troupeaux. Des techniciens pastoraux itinérants de l'équipe technique ours interviennent pour aider les gestionnaires d'estive confrontés à la présence de l'ours et les appuyer dans la mise en place de systèmes de protection.

Mesures d'accompagnement en zone de l'institution patrimoniale du Haut-Béarn
Un accompagnement est développé pour une meilleure cohabitation entre pastoralisme et ours. Outre la compensation des dommages, des mesures destinées à limiter la prédation sur les troupeaux ont été développées:

•  un soutien financier destiné à renforcer le gardiennage permanent, préalable essentiel pour mettre en place une protection du troupeau:

1) financements pour la réalisation ou l'amélioration des cabanes pastorales, notamment mises aux normes françaises et européennes (ateliers fromagers, adduction et rejet d'eaux);

2) financements de portages du matériel de première nécessité des bergers;

3) financement de moyens de communication (téléphones portables, radio-téléphone) avec l'appui du fonds d'intervention éco-pastoral.

•  Le soutien à la traite en estive. Cette pratique est le garant d'une surveillance continue et quotidienne des troupeaux, du fait de la présence permanente du berger pour la traite et la fabrication des fromages. Cependant la pénibilité du travail en montagne, l'éloignement, les contraintes de descente des fromages incitent à une transformation de ce pastoralisme traditionnel vers un pastoralisme de bêtes taries avec fabrication du fromage dans les vallées. Pour lutter contre cette évolution défavorable, une aide est donc apportée pour la vidange des fromages par mûletage ou héliportage.

•  la mise en place de systèmes de protection:

1) soutien à l'achat et l'utilisation de parcs électrifiés fixes ou mobiles, ainsi que la mise en place de systèmes d'effarouchement. Un soutien financier est apporté ainsi qu'un soutien technique de la part de l'équipe de gestion de l'institution patrimoniale du Haut-Béarn ;

2) soutien à l'achat et à l'utilisation de chiens patous. L'utilisation des chiens patous est demeurée traditionnelle en Béarn. Peu de chiens ont été mis en place avec un soutien financier et un suivi technique permettant d'accroître l'efficacité de cette utilisation. Les deux animateurs « chien patou », de l'association cohabitation pastorale, apportent leur soutien aux éleveurs désireux d'utiliser ces chiens pour leurs troupeaux.

Indemnisation des dommages
Parallèlement aux mesures de prévention des troupeaux a été mis en place un dispositif de compensation des dommages d'ours.

Les préjudices liés à une attaque d'ours sont divers. En plus de la perte directe de bêtes, la perte indirecte suite à un affolement du troupeau, le dérangement du berger et du troupeau (avec ses effets potentiellement induits en terme productif: avortements, baisse de lactation...), les bêtes égarées suite à l'attaque... représentent autant d'inconvénients.

Pour les compenser, il existe un dispositif d'accompagnement financé par le ministère de l'écologie et du développement durable. Les dommages d'ours ayant été constatés (ce qui exclut les bêtes disparues) font l'objet d'une compensation. Si la responsabilité de l'ours est reconnue, ou au bénéfice du doute après avis de la commission en charge de la compensation des dommages d'ours, le bien endommagé est compensé à hauteur d'un prix défini par un barème. Ce barème est fondé sur les prix moyens du marché, réactualisé chaque année après avis des commissions, et publié par décision du préfet coordonnateur de massif.

Les effets indirects du dommage d'ours sont pris en compte par le versement au berger d'une prime de dérangement de 115 € destinée à compenser le surcroît de travail lié à la recherche des animaux, au rassemblement du troupeau le cas échéant, à la participation à l'expertise... Une indemnité de manque à gagner de 10 % du prix des bêtes victimes avec un minimum de 46 €, équivalent au prix d'un agneau, est aussi versée pour compenser les pertes indirectes (avortement, stress du troupeau...).

Un certain nombre de dommages n'est pas compensé, notamment les dommages qui ne peuvent être constatés (bêtes disparues). Les causes de disparition sont multiples et la responsabilité de l'ours toujours difficile à justifier, même si elle n'est pas exclue. Plutôt que de compenser des disparitions d'animaux, il apparaît plus juste à l'administration d'apporter aux éleveurs un soutien pour la réalisation de leur activité par le biais des mesures d'accompagnement du programme ours et des dispositifs financiers agricoles. Outre son effet bénéfique immédiat et direct sur le suivi du troupeau, le gardiennage permanent, promu par les aides liées à ces mesures, facilite notamment la constatation de dégâts et la recherche d'animaux manquants. A l'inverse, le bénéfice du doute peut, dans un nombre restreint de cas, se traduire par la compensation de la perte d'animaux n'ayant peut-être pas été victimes d'une attaque d'ours.

Pistes pour améliorer le dispositif

Des améliorations au dispositif pourraient être notamment apportées par:

•  le financement d'un diagnostic de vulnérabilité de l'estive par rapport aux prédateurs de façon à proposer avec le ou les éleveurs concernés les mesures les mieux adaptées à leur estive et à leur gestion pastorale;

•  la mise en place d'une bonification des contrats d'agriculture durable en zone de présence de l'ours;

•  pour le Béarn, un soutien au gardiennage et à la traite en estive (prise en compte des mesures qui étaient financées antérieurement par une opération locale agri-environnement en mobili¬ant notamment le contrat d'agriculture durable «Montagne-Béarnaise» en complément de la PHAE selon des modalités à définir) ;

•  l'amplification de la formation des bergers;

•  le développement du soutien à la construction ou à l'amélioration des cabanes pastorales;

•  le financement de mesure de protection des troupeaux pour les périodes de printemps et d'automne, durant lesquelles des dégâts sont régulièrement recensés. Actuellement, seule la protection des troupeaux qui estivent est soutenue financièrement. Au printemps et à l'automne, les troupeaux ne se trouvent généralement pas en haute montagne mais plutôt sur des zones intermédiaires. Ils ne sont pas gérés de façon collective ce qui exclut la possibilité d'avoir recours à un berger permanent pour des raisons financières. Par contre l'utilisation de clôtures électriques et de chiens de protection peut être envisagée;

•  un réexamen des modalités de compensation des dommages.

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