Discours officiels sur le Dossier de Concertation

Dossier de Concertation - Les Pyrénées avec l'Ours (1)

Editorial

Madame, Monsieur,

Monsieur Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable, a annoncé le 13 janvier 2005 la décision du gouvernement d'engager dès cette année le renforcement de la population d'ours bruns dans les Pyrénées. Cette décision, prise après plusieurs mois de rencontres et d'écoute des acteurs locaux et deux déplacements sur place, dans les Pyrénées-Atlantiques puis les Hautes-Pyrénées, marque l'annonce d'un processus visant à assurer sur le long terme la présence de l'ours et la conservation de l'espèce sur le territoire français.

Dans ce cadre j'ai été chargé de conduire la concertation sur les modalités de mise en œuvre de ce renforcement. Si l'État entend assurer sa responsabilité à l'égard du maintien de la biodiversité et être garant des engagements internationaux de la France, il souhaite en effet le faire dans le cadre d'une démarche concertée avec les acteurs locaux, porteurs et gestionnaires du patrimoine pyrénéen.

Le dossier qui vous est remis explique les raisons du renforcement, les modalités administratives et techniques à mettre en œuvre, les mesures de sécurité pour éviter les accidents et la question des responsabilités. Il précise également le dispositif de suivi, les méthodes et le rôle de l'équipe technique ours dans ce domaine.

Pour l'avenir du patrimoine pyrénéen, l'enjeu d'un développement local durable est essentiel: défendre l'ours et son habitat c'est aussi devoir donner aux hommes les garanties de pérennité de leurs activités. C'est pourquoi vous est présenté un ensemble de modalités d'intervention, basées sur les pratiques actuelles mais aussi sur des améliorations possibles, concernant de multiples sujets : pastoralisme, apiculture, chasse, gestion forestière, activité économique et touristique, dispositifs d'information et de concertation.

S'agissant plus particulièrement du pastoralisme et de la gestion forestière, le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité a demandé au directeur régional de l'agriculture et de la forêt de Midi-Pyrénées d'établir, en concertation avec les organisations professionnelles agricoles et forestières, une première série de propositions de soutien de ces activités. Ces propositions conduiront à l'élaboration d'un plan complet de développement de l'économie montagnarde agricole et forestière.

Cet ensemble de mesures est soumis à votre analyse, à vos suggestions et à vos propositions, soit dans les réunions et commissions auxquelles vous serez convié, soit directement sur le site Internet. Ce débat a pour finalité d'identifier les conditions à réunir pour que le renforcement décidé par le gouvernement soit compatible avec l'exercice des activités humaines et constitue un atout pour les Pyrénéens.

Le plan global de restauration de la population d'ours bruns dans les Pyrénées intégrera les résultats de cette concertation ; il sera validé par les ministres. l'ensemble des instances sera à nouveau réuni pour en prendre connaissance. Le plan sera également mis à la disposition du public.

Je vous remercie, Madame, Monsieur, des contributions et propositions que vous effectuerez dans le cadre des instances de concertation, ainsi que de celles que vous souhaiterez m'adresser d'ici le 30 avril 2005

Toulouse, le 2 février 2005
Le préfet de la région Midi-Pyrénées, Préfet coordonnateur du massif des Pyrénées, Jean DAUBIGNY

Communication de Serge Lepeltier, ministre de l’écologie et du développement durable, sur la survie de l’ours dans les Pyrénées.

Un enjeu planétaire: la survie des espèces menacées
la question de la survie des ours dans les Pyrénées n'est pas une question posée seulement à la France. Elle fait partie d'une question plus vaste posée à l'humanité toute entière, qui est celle de sa cohabitation, sur cette planète qui nous a vu naître et qui est notre seul milieu de vie possible, avec la nature dans ce qu'elle a de plus authentique.

Depuis cinquante ans, le développement des activités humaines est entré dans une concurrence de plus en plus vive avec ce qui reste de nature sauvage sur la terre. Sous toutes les latitudes, qu'il s'agisse de la terre ferme ou des océans, l'homme doit partout choisir aujourd'hui entre poursuivre un développement indifférent des richesses de la nature, et alors inéluctablement la détruire, ou bien trouver les voies d'un développement non destructeur de la nature. Partout dans le monde la question est posée, que l'on pense aux baleines, partout sur les océans, aux éléphants ou aux rhinocéros en Afrique, au tigre de Sibérie, aux tortues marines ou aux dizaines de milliers d'espèces animales et végétales, connues ou même encore inconnues, aujourd'hui menacées.

Chacun doit prendre sa part de responsabilité. Nous le demandons, pour ce qui est leur part, aux autres peuples. Les ours font partie de la part des Français.

La décision du gouvernement français une perspective à la fois ambitieuse et raisonnable
Dans ces conditions, le gouvernement ne pouvait se cantonner dans l'attentisme et l'inaction qui ont prévalu jusqu'en 2002. En même temps, le gouvernement ne peut ignorer les difficultés réelles que pose de nos jours la présence de l'ours aux habitants des Pyrénées. le gouvernement a donc décidé de donner une perspective à la fois ambitieuse et réaliste et, tout en agissant, de donner à chacun et à tous les moyens et le temps de s'adapter. L'objectif, c'est le doublement de la population d'ours dans le massif pyrénéen d'ici à trois ans. Ils sont, aujourd'hui, entre 14 et 18 sur le massif pyrénéen. L'objectif est la trentaine fin 2008. l'action s'engage dès cette année: le gouvernement a décidé de réintroduire cinq ours, et plutôt des femelles, à l'automne prochain. Il faut que nous ayons rapidement davantage d'oursons parmi nos ours.

Un dialogue local approfondi va être conduit
Cette perspective et ce délai nous laissent le temps d'un véritable travail collectif d'accompagnement et de dialogue. Il nous reste à décider, d'ici à l'été, c'est-à-dire à fin juin de multiples paramètres:

  • où auront lieu, en 2005, ces premières réintroductions.
  • d'où viendront ces ourses réintroduites. Déjà les premiers contacts diplomatiques ont été engagés avec l'Espagne, la Croatie et la Slovénie.
  • dans quelles conditions et avec quel accompagnement, sachant que plusieurs questions légitimes et pertinentes ont été soulevées devant moi par les maires, les conseillers généraux, les éleveurs, les chasseurs et beaucoup d'autres lors de mes deux derniers déplacements dans les Pyrénées.

A cet égard, dès les prochains jours, les préfets, assistés de l'ensemble des services de l'État compétents, engageront un important processus de concertation et de dialogue : avec les maires de l'ensemble du massif pyrénéen d'une part; avec les représentants professionnels et institutionnels (chambres d'agriculture et syndicats agricoles, représentants économiques...) ; avec les associations enfin, dont les fédérations de chasseurs. Aux fins d'y contribuer, une mission sera confiée à deux inspecteurs généraux, l'un issu du ministère de l'agriculture, monsieur Alain ESCAFRE, l'autre du ministère de l'écologie, monsieur Eric BINET. Cette décision du gouvernement doit également s'accompagner d'une démarche d'écoute d'habitants des Pyrénées.

Enfin j'entends approfondir les relations avec nos partenaires espagnols et andorrans pendant toute cette période : les Pyrénées sont partagées avec eux.

Je suivrai personnellement, avec mon collègue Dominique BUSSEREAU, l'évolution de ces différentes formes de discussion et de dialogue. Elles doivent conduire à une définition précise des actions d'accompagnement qui seront nécessaires.

A l'issue des premières réintroductions, celles de 2005, nous disposerons encore d'une dizaine de mois pour mettre en œuvre l'ensemble de ces mesures.

Je m'engage par ailleurs à évaluer régulièrement les actions qui seront conduites, la première fois au plus tard en juin avant de décider définitivement des lieux et modalités d'introduction pour 2005.

Ce processus permet à l'institution patrimoniale du Haut-Béarn, qui a lancé de longue date une démarche de concertation très approfondie, de poursuivre la constitution du dossier de réintroduction décidé en 2004 et l'ensemble des consultations qu'elle a prévues sans être perturbée.

Cette décision s'intègre dans les perspectives d'avenir pour le massif pyrénéen
D'une part l'ours est demeuré présent dans le massif des Pyrénées. Il n'en a fort heureusement pas disparu. la question posée n'est pas celle de son retour mais celle de sa survie à long terme.

D'autre part, qu'il y ait ou non de nouvelles introductions d'ours, le monde, les conditions économiques notamment, continuent à évoluer très vite et à nous forcer à nous adapter: qu'il y ait ou non réintroduction d'ours, l'activité pastorale va continuer à évoluer dans les dix prochaines années comme elle n'a cessé d'évoluer jusqu'à présent. Elle n'est pas figée. l'enjeu de la survie de l'ours ne nous impose pas, à lui seul, de faire évoluer nos conceptions, nos pratiques et nos habitudes. Même sans lui, il nous faudrait nous adapter. L'enjeu de la survie de l'ours impose donc seulement d'intégrer les spécificités liées à sa présence, dans ces évolutions inéluctables. Il s'agit seulement de mieux en prendre conscience et de mieux en tenir compte.

L'humanité est solidaire dans le combat pour sauver de la destruction les espèces menacées
Chaque pays, chaque continent doit faire des efforts pour renverser les pratiques économiquement, socialement, culturellement légitimes jusqu'à ce jour, mais qui, si nous les laissions durer, condamneraient des milliers et des milliers d'espèces vivantes à la disparition. Imaginerions-nous un monde sans les baleines, sans les tigres, sans les éléphants sans les requins, sans les pandas, sans la multitude d'oiseaux, d'insectes, de plantes aujourd'hui menacés ? Ce que nous demandons aux autres pays du monde, chacun concerné par l'une ou l'autre de ces espèces, de quel droit pourrions nous nous en abstraire pour les espèces menacées qui vivent chez nous ?

Sans doute sauver les ours des Pyrénées ne se fera pas pour nous sans efforts, mais c'est une part de l'avenir de l'humanité qui se joue là. Une part d'un enjeu crucial où l'humanité n'a pas d'autre choix que de réussir. Nous avons le temps pour y réfléchir (d'ici à juin), puis pour agir, évaluer et enfin adapter régulièrement nos actions. Nous en avons les moyens. Nous en sortirons tous plus forts.

C'est ce beau défi que je propose de relever.

Communication de Serge Lepeltier, ministre de l’écologie et du développement durable, sur la survie de l’ours dans les Pyrénées

Extrait du discours de Jacques Chirac, Président de la République à l'occasion de la conférence internationale "Biodiversité : science et gouvernance" Unesco Paris - 24 janvier 2005

« Pour renforcer encore la protection de son patrimoine naturel, et conformément à ses engagements au titre de la Convention sur la diversité biologique, la France vient de se doter d'une stratégie nationale de la biodiversité. C'est une impulsion forte donnée à nos politiques de protection de la nature. [...] C'est dans ce même esprit d'exigence et de concertation, que la France poursuivra sa politique de conservation de l'ours dans les Pyrénées ».

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